Communication Participative et Santé en Matière de Reproduction

Le rôle de la communication participative - plus précisément, de la vidéo participative - dans la promotion d'une meilleure santé en matière de reproduction est clairement illustré par les expériences de Communication for Change au cours des dernières années. Travaillant avec des organisations locales, Communication for Change a dispensé une formation non seulement à l'utilisation d'un équipement vidéo de petit format, mais aussi à la manière de conduire des interviews, à la planification des stratégies de communication, à une visualisation critique et à la manière de faciliter les projections en communauté. À mesure que les membres de la communauté acquièrent de nouveaux savoir-faire, leur confiance augmente. Après avoir montré leurs programmes à leurs compagnons de travail et à d'autres membres de la communauté, ils découvrent l'importance de l'autoreprésentation et souvent les membres de la communauté prennent des initiatives propres à influer sur les choix de vie ouverts aux femmes et aux hommes. Les exemples ci-après illustreront cette approche et les chances qu'elle offre d'améliorer la santé en matière de reproduction.

Communication for Change, organisation à but non lucratif dont le siège est à New York, a conclu des partenariats à long terme avec d'importantes ONG dans plusieurs pays, dont Action Health au Nigéria, l'Association des travailleuses indépendantes (SEWA) en Inde et Banchte Shekha au Bangladesh. Leur activité démontre que la vidéo participative peut contribuer dans une large mesure à répondre aux besoins des adolescents sur le plan de la santé en matière de reproduction, à améliorer la condition économique des femmes, à s'opposer aux actes de violence contre les femmes, à élever leur statut social et à leur permettre d'accéder à la prise de décisions dans leur vie aussi bien qu'à des postes de direction au sein des communautés. Le débat mondial, couronné par la Conférence internationale sur la population et le développement, a approuvé ces mêmes objectifs, jugés essentiels au ralentissement de la croissance démographique mondiale et à l'accession à la santé en matière de reproduction. Avec cette redéfinition de la santé en matière de reproduction et avec les enseignements tirés grâce à ce projet, la communication participative en tant que stratégie de la santé en matière de reproduction acquiert une importance accrue.

Comment les activités de vidéo communautaire menées par Action Health, SEWA et Banchte Shekha aident-elles à atteindre les objectifs fixés sur le plan de la santé en matière de reproduction?

Il faut, en particulier, mettre l'information et les services à la disposition des adolescentes s'ils peuvent les aider à comprendre leur sexualité et à se protéger des grossesses non désirées et des maladies sexuellement transmissibles ... Cela doit se conjuguer avec l'éducation des jeunes hommes, qui apprendront à respecter l'autodétermination des femmes et à partager la responsabilité avec elles en matière de sexualité et de reproduction. (Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement)

Le projet vidéo d'Action Health aide à répondre aux besoins des adolescents sur le plan de la santé en matière de reproduction :

Au siège d'Action Health, à Lagos, les jeunes produisent depuis 1992 des programmes vidéo à l'intention de leurs compagnons d'âge. À notre connaissance, seul Action Health produit de semblables matériels au Nigéria. Les programmes réalisés par de jeunes Nigérians de moins de 20 ans à l'intention de leurs pairs et les concernant ont un impact considérable. Action Health produit des programmes vidéo sur de nombreux problèmes de santé en matière de reproduction concernant les adolescents (par exemple, MST, sida, grossesses d'adolescentes, changements liés à la puberté) et sur des problèmes apparentés, comme la communication avec les parents et la consommation d'alcool.

Les jeunes réagissent positivement à la pertinence et à l'honnêteté des programmes d'Action Health parce qu'ils présentent les problèmes et questions réels qu'affrontent les adolescents. Des débats animés font suite aux projections et le bruit des programmes d'Action Health se répand parmi les adolescents. Action Health a constaté que les jeunes viennent la première fois au centre pour demander que certaines de ces cassettes vidéo leur soient projetées.

La vidéo participative a appris aux adolescents qui s'occupent directement du programme l'art de diriger et de communiquer. En maîtrisant une compétence technique, en montrant leur travail à leurs compagnons d'âge et en facilitant les débats, les membres d'une équipe vidéo - filles comme garçons - acquièrent confiance en eux. Les jeunes femmes apprennent à mieux communiquer, avec ou sans la caméra vidéo à la main, elles deviennent plus résolues et mieux disposées à aborder des problèmes difficiles tels que le viol et les MST.

Le groupe vidéo d'Action Health est dirigé par une jeune femme et un jeune homme qui viennent d'achever leurs études secondaires. Leur direction et les cassettes vidéo d'Action Health inspirent aux jeunes des deux sexes des attitudes et comportements positifs. C'est là un point d'une importance particulière étant donné le climat général du pays et les normes négatives qui ont généralement cours dans les médias nigérians.

Le projet vidéo d'Action Health a sensiblement contribué à son programme de santé des adolescents. Ses programmes vidéo sont comme un aimant qui attire de nombreux adolescents au centre d'Action Health. Étant donné la gravité des troubles civils et la fréquence des fermetures d'école, il aurait été extrêmement difficile que le programme d'Action Health se développe et s'approfondisse sans la fièvre, la motivation et l'énergie que le programme de vidéo participative a suscitées. Nike Esiet, qui dirige Action Health, attribue en grande partie aux programmes vidéo l'augmentation spectaculaire du nombre des jeunes qui sont venus au centre d'Action Health durant l'exercice 1992/93.

Pour réaliser des changements, il faut prendre des initiatives, au niveau des politiques et des programmes, qui amélioreront l'accès des femmes à des moyens d'existence sûrs et aux ressources économiques ...(Ibid.)

Les activités participatives de vidéo menées par SEWA et Banchte Shekha aident à améliorer la condition économique des femmes :

À SEWA et Banchte Shekha, le travail d'organisation commence avec les problèmes économiques que connaissent les femmes pauvres. Les programmes de ces deux ONG augmentent le revenu et améliorent le niveau de vie de leurs membres. Entre autres avantages, cela leur permet de mieux soigner leurs enfants et d'en pousser plus loin l'éducation.

Chaque organisation a une équipe vidéo dont les activités secondent ces objectifs. Leurs cassettes servent à mobiliser les membres et à former les organisateurs et les animateurs de groupe. À l'Académie de SEWA et au siège de Banchte Shekha, les programmes vidéo sont une composante de la formation du personnel et des animateurs de groupe. Les cassettes prêtent aux problèmes et expériences un caractère immédiat mieux que ne le pourraient d'autres matériaux de formation. Les stagiaires entrent ainsi en contact avec des domaines et situations auxquels il leur serait autrement difficile d'accéder. La vidéo sert aussi à former les formateurs à donner une rétro-information précieuse et dans le cadre de laquelle on s'abstient de porter tout jugement. Si la formation des organisateurs est bien conduite, l'impact est plus fort sur le terrain.

Au niveau communautaire, les membres contribuent aux programmes vidéo qui tirent parti de leur expérience, et en même temps en bénéficient. SEWA et Banchte Shekha ont produit de nombreuses cassettes qui enrichissent la formation à des savoir-faire producteurs de revenu et à des techniques nouvelles, à savoir par exemple l'élevage des poulets, l'apiculture, les artisanats divers et la formation d'une coopérative. Quand des femmes voient une vidéo portant sur de meilleures techniques d'élevage des poulets que d'autres femmes comme elles ont appliquées avec succès, elles deviennent plus réceptives aux idées nouvelles et plus disposées à les essayer. Nos partenaires en Asie constatent que les vidéos peuvent faciliter l'échange horizontal d'expériences entre villageois. Les membres d'une communauté sont plus ouverts aux idées qui viennent de leurs égaux, ils ont moins de peine à comprendre ce qu'ils voient de leurs yeux et à y ajouter foi. En raison de ces avantages, le groupe vidéo de SEWA adopte pour slogan "Voir, c'est croire".

Les programmes de santé de Banchte Shekha et de SEWA enseignent à leurs membres de nouvelles idées et pratiques. Ces programmes tirent profit des activités de vidéo participative à peu près de la même manière que les programmes économiques. Les programmes sur la vaccination, les causes de la diarrhée et la santé en matière de reproduction facilitent la formation sanitaire et atteignent le public des villages et des quartiers de taudis. Grâce aux programmes économiques et sanitaires de Banchte Shekha et de SEWA, le bien-être de leurs membres s'améliore, ce qui permet aux femmes pauvres et à leurs filles de faire des choix différents concernant leur santé, leur éducation et le nombre de leurs enfants.

Les actes de violence contre les femmes, notamment la violence familiale et le viol, sont répandus ... Il faut encourager et soutenir les débats actifs et ouverts sur la nécessité de protéger les femmes, les jeunes et les enfants contre tous sévices ...(Ibid.)

Les projets vidéo de Banchte Shekha et de SEWA aident à combattre la violence contre les femmes.

Le groupe d'assistance juridique de Banchte Shekha démontre que la vidéo participative offre les moyens de dénoncer et de combattre la violence contre les femmes. L'équipe a exposé par l'image des cas de violence familiale, montré les cassettes pour stimuler la discussion dans les villages et utilisé les vidéos pour obtenir justice auprès des tribunaux traditionnels. La crainte d'être dénoncé sur une cassette vidéo de Banchte Shekha détourne désormais de commettre actes de violence et sévices. Nul ne veut être embarrassé devant ses voisins et les chefs de village. L'exercice de voies de fait par le conjoint est aujourd'hui moins facilement toléré dans les secteurs où Banchte Shekha est actif.

Chandrikaben, membre de SEWA et stagiaire en vidéo participative, a décidé d'utiliser la puissance de la vidéo locale pour s'opposer aux mariages forcés dans son village. Elle-même avait subi un mariage forcé et l'union a ensuite abouti à un échec. Chandrikaben affirme avoir vu son statut social ravalé au village et ses possibilités de choix, réduites. Une telle expérience est typique. Chandrikaben croit que la vidéo sera un puissant moyen de soulever ce problème dans sa communauté. Maintenant qu'elle oeuvre pour la défense des droits humains de la femme, son aptitude à exercer des fonctions dirigeantes et son statut social s'améliorent.

L'accès à des outils de communication puissants, comme la vidéo, conjugué avec une aptitude à la communication et des stratégies de diffusion, ont permis à SEWA et à Banchte Shekha de s'opposer avec plus de succès à la violence contre les femmes et leurs enfants. Non seulement ces organisations posent le problème en pleine lumière et créent des moyens de dissuasion, mais elles obtiennent aussi justice pour les victimes.

L'expérience montre que les programmes de population et de développement ont le plus d'efficacité quand des mesures ont été prises simultanément pour améliorer la condition des femme. (Ibid.)

Les activités de vidéo de SEWA et Banchte Shekha élèvent le statut social des femmes :

La vidéo participative renforce la position des femmes dans leurs communautés en faisant mieux entendre leur voix. Ainsi devenues plus fortes, les femmes peuvent s'organiser, suivre une formation et mener une action collective.

Un exemple en est donné par la performance des femmes prêtant témoignage devant un tribunal. Les membres de SEWA doivent souvent s'adresser aux tribunaux pour régler leurs différends avec des entrepreneurs ou pour établir leur droit à un salaire minimum. Les membres de SEWA assistent aux audiences et y déposent. Le résultat dépend ordinairement du témoignage des femmes. "L'atmosphère du tribunal m'intimide beaucoup", a expliqué Renana Jhabvala, Secrétaire de SEWA. "Vous pouvez donc imaginer ce que cela peut être pour les membres de SEWA. Les avocats s'efforcent de réduire à néant les preuves données et les traitent de menteuses. Il est très difficile pour les femmes d'affronter une telle situation et, le plus souvent, elles changent leurs déclarations."

Maintenant, quand les membres de SEWA s'apprêtent à déposer, le groupe vidéo enregistre les répétitions. Les femmes et leur avocat examinent la cassette et en débattent. Ce processus aide à leur donner confiance et les prépare à défendre leur propre cause devant le tribunal. Comme des athlètes qui visualisent leur performance avant une épreuve décisive, ces femmes, grâce à la répétition sur vidéo, créent une image positive d'elles-mêmes malgré la tension ambiante.

Les cassettes produites par les équipes de vidéo participative de Banchte Shekha et SEWA jouent un rôle important. Non moins important, cependant, est l'effet de l'expérience de production participative sur les membres de l'équipe et, par association, sur les membres des équipes soeurs. Apprendre comment utiliser un camcorder, acquérir les techniques de communication qui permettent d'approcher et d'interviewer les membres de la communauté et les dirigeants locaux, acquérir les compétences techniques nécessaires pour planifier et produire un programme, tout cela inspire à chacun des membres de l'équipe confiance en soi. En outre, le fait d'apparaître capable d'utiliser un équipement vidéo, de présenter des programmes vidéo à d'autres personnes et d'appartenir à une organisation qui produit ses propres programmes, modifie la manière dont la communauté perçoit ce que les femmes sont capables de réaliser et contribue à relever leur statut aux yeux d'autrui.

Les efforts menés pour améliorer le statut social des femmes doivent aussi viser à les mettre mieux à même de prendre la parole sur tous les problèmes qui les concernent. Il s'agit ici, notamment, d'activités de plaidoyer à de nombreux niveaux de société. Le groupe vidéo de SEWA a soutenu avec succès les efforts d'organisation déployés aux niveaux local, national et même international. Ces cassettes ont servi à négocier avec les autorités municipales et à faire connaître les préoccupations des travailleurs indépendants aux dirigeants nationaux en Inde et aux leaders syndicalistes du monde entier. SEWA utilise aussi la vidéo pour plaider en faveur de ses membres sur les problèmes qui les concernent et pour mobiliser le soutien de l'opinion publique. Par exemple, SEWA a réussi à faire réviser les catégories du recensement en Inde de manière à y inclure un éventail bien plus large d'activités économiques et sociales. Pour la première fois, la contribution des travailleurs autonomes, qui représentent 89 % de la main-d'oeuvre, a dû être retenue. Cependant, certaines des questions énoncées sur les formulaires de recensement n'étaient pas aisées à comprendre par les agents du recensement eux-mêmes et le commun du peuple n'en voyait que très difficilement le sens. En 1991, l'unité vidéo de SEWA a produit un programme de 15 minutes intitulé "Mon travail, moi-même", qui a atteint un public d'environ 500 000 femmes dans l'État de Gujarat grâce aux repassages multiples de la cassette au niveau local et a été diffusé sur la chaîne de télévision publique trois jours avant la date du recensement. Ce programme informait le public de l'importance d'être dénombré et illustrait à l'aide de saynètes vivantes quelques-unes des questions difficiles à comprendre.

Toute amélioration du statut des femmes élargit aussi leur capacité de prise de décisions à tous les niveaux et dans tous les domaines, en particulier ceux de la sexualité et de la reproduction.(Ibid.)


Les projets vidéo de Banchte Shekha, SEWA et Action Health permettent aux femmes de prendre elles-mêmes les décisions concernant leur propre vie et d'accéder à un rôle dirigeant dans leurs communautés :

La vidéo participative permet aux femmes de représenter leurs propres expériences et d'exprimer leurs préoccupations. L'autoreprésentation affranchit les femmes les plus modestes, qui sont souvent invisibles ou dont les traits sont déformés dans les médias dominants. Et les adolescents, qui cherchent à définir leurs identités distinctes, éprouvent un violent désir de s'exprimer.

Pour qui assiste à la projection des cassettes, le message est crédible et a un grand poids parce qu'il dépeint avec vigueur l'expérience des spectateurs eux-mêmes. Les vidéos créées par des compagnons qui présentent de nouvelles idées et options peuvent soutenir et encourager de nouvelles décisions. Par exemple, si une adolescente s'identifie aux jeunes d'un programme vidéo d'Action Health, elle décidera de demander conseil en matière de sexe et de contraception. Si une villageoise estime, grâce à un programme de vaccination qui fait l'objet d'une cassette vidéo de Banchte Shekha, que ses enfants ont plus de chance d'atteindre l'âge adulte, elle fera des choix différents concernant leur nombre. Si un membre de SEWA a augmenté son revenu, elle décidera qu'elle a les moyens de donner une éducation à ses filles, comme le font ses pairs sur le programme vidéo.

Les liens entre auto-expression, prise de décisions et aptitude à remplir des postes de directe se renforcent mutuellement et sont d'une importance vitale. Les femmes qui participent aux activités de communication participative de SEWA, Banchte Shekha et Action Health acquièrent confiance en soi, gagnent à s'exposer à l'attention publique et apprennent à exercer des postes de direction. Quand elles apprennent à réaliser un programme vidéo intéressant et qui force l'attention, à maîtriser un instrument nouveau ou complexe ou à faciliter un débat de groupe après la projection d'n programme vidéo pertinent, elles se font mieux connaître au sein de la communauté. L'usage de techniques de communication en vue d'introduire des changements suppose que l'on possède une vision et applique une stratégie. Les membres de l'équipe de vidéo participative ont un sens aigu des nécessités stratégiques - autre élément clef des qualités d'animateur. Ceux qui savent méditer une stratégie et la communiquer à autrui constituent un atout précieux non seulement pour leurs organisations, mais aussi pour leurs communautés et leurs nations. Ce sont eux qui poseront des questions dérangeantes et qui inciteront les autres à introduire des changements pour améliorer leurs vies.

Pour que la communauté des ONG remplisse son rôle central s'agissant de réaliser les objectifs de la CIPD celles-ci - et à travers elles leurs membres - ont besoin d'outils de communauté puissants et de savoir-faire en ce domaine leur permettant de représenter leurs propres personnes et les préoccupations qui les habitent. Le rôle de Communication for Change a été de mettre en place ces savoir-faire au sein d'importantes ONG et de démontrer leur capacité d'introduire des changements.

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